La crise sanitaire affecte la crédibilité de plusieurs acteurs de premier plan et accentue la polarisation des opinions
Le cabinet-conseil Whyte Corporate Affairs s’est penché sur la crédibilité de divers acteurs en tant que sources d’information en Belgique[1] et sur l’impact de la crise sanitaire sur l’opinion des Belges à ce sujet, à travers une étude réalisée auprès de plus de 1.000 personnes[2]. Les résultats révèlent que la pandémie de covid-19 a laissé des traces sur la crédibilité des acteurs politico-socio-économiques belges, qui peuvent désormais s’interroger sur la façon d’obtenir, conserver ou restaurer la confiance des citoyens dans le futur
- Dans un contexte sanitaire marqué par les divergences d’opinions et l’incertitude, les acteurs considérés comme les plus crédibles sont les experts (universitaires, scientifiques), suivis des pairs, puis des administrations publiques qui partagent leur 3e place avec les ONG et associations.
- Les médias traditionnels, et en particulier la radio, parviennent à se démarquer de la constellation médiatique plus générale dont les informations n’arrivent pas à convaincre la moitié de la population de notre pays.
- Le monde politique perd des plumes : plus d’1 Belge sur 2 juge les acteurs politiques moins crédibles qu’avant la crise sanitaire (spécifiquement à l’échelle nationale, régionale et communautaire).
- Il n’y a que les universités, experts et scientifiques qui ont davantage gagné que perdu de crédibilité suite à la pandémie de covid-19.
Entre bulle et science, mon cœur balance
L’étude révèle qu’un citoyen belge en quête d’informations crédibles va avoir presque autant tendance à se diriger vers la science que vers ses proches. En effet, les informations délivrées par les universitaires, les experts et les scientifiques sont jugées aujourd’hui crédibles par plus de 8 Belges sur 10 (84,53% de la population). Mais ces experts sont talonnés par les personnes proches des citoyens ou semblables à eux (famille, voisins, collègues, amis réels ou virtuels,…) : 75,81% des Belges estiment que leurs « pairs » sont des sources d’information (plutôt voire tout à fait) crédibles, un score supérieur à ceux obtenus par les autres acteurs étudiés.
Dans le trio de tête des acteurs les plus crédibles, figurent aussi les administrations publiques (55,63%), qui partagent leur 3e place avec les ONG et les associations (55,57%). Les informations diffusées par les autorités communales, de même que par les entreprises privées récoltent tout juste la confiance de la moitié de la population (respectivement 51,36% et 50,11%).
Parmi les acteurs dont les informations ne convainquent pas la moitié de la population, citons par ordre de scores décroissants les médias et journalistes en général (voir cependant d’importantes nuances ci-dessous), les syndicats, les organisations patronales et fédérations (inter)professionnelles, les pouvoirs politiques provinciaux, les intercommunales, les autorités religieuses et philosophiques, les pouvoirs politiques régionaux, communautaires et fédéraux, et enfin, les partis politiques qui terminent bons derniers avec seulement 14,19% de la population qui jugent leurs informations crédibles. On constate donc que les décideurs politiques forment globalement la queue du peloton, même si les communes et les provinces s’en sortent mieux, bénéficiant manifestement d’un effet de proximité qui les rend plus accessibles que les autres niveaux de pouvoir.
Effets (in)désirables de la crise sanitaire sur le classement
Le cabinet-conseil Whyte Corporate Affairs a cherché à savoir en quoi la crise sanitaire avait eu une influence sur les opinions en matière de crédibilité des sources d’information[3]. Si l’on en croit les résultats de l’étude, la pandémie de covid-19 n’a visiblement pas été une opportunité pour certains acteurs de se distinguer en augmentant leur crédibilité par des actions et communications décisives en temps de crise. Les gains de crédibilité sont faibles et marginaux par rapport aux pertes de crédibilité. Des pertes qui se voient généralement un peu plus marquées du côté wallon (allant jusqu’à plus de 10 points de pourcentage de différence par rapport à la Flandre).
A une exception près du côté de la science : il n’y a que les universités, experts et scientifiques qui ont davantage gagné que perdu de crédibilité suite à la pandémie de covid-19. 1 Belge sur 4 (24,65%) a globalement plus confiance qu’avant dans les informations transmises par les experts, alors que la pandémie a conduit moins d’1 Belge sur 5 (19,03%) à les juger moins crédibles qu’auparavant. La crédibilité des experts a donc résisté aux affrontements de chiffres, théories et modèles scientifiques auxquels les médias ont donné beaucoup de visibilité ces derniers mois.
A l’inverse, le monde politique a très clairement souffert de la crise. Plus d’1 Belge sur 2 juge les acteurs politiques (beaucoup) moins crédibles qu’avant la crise sanitaire (spécifiquement à l’échelle nationale, régionale et communautaire). Il est même question d’informations jugées beaucoup moins fiables qu’avant par près d’1 citoyen sur 3 ou sur 4, selon le niveau de pouvoir considéré. Ce sont les informations des partis politiques qui sont le plus touchées par la défiance du citoyen (29,24% de Belges ont beaucoup moins confiance ; 30,37% ont moins confiance). On peut noter que les niveaux de pouvoir provinciaux et surtout communaux s’en tirent mieux.
Les autres acteurs ont globalement vu leur crédibilité rester majoritairement identique, et baisser aux yeux d’1 Belge sur 3 environ (ex. : 35,23% d’opinions plus négatives qu’avant envers les médias, ou encore 30,66% d’opinions plus défavorables sur les informations transmises par les syndicats).
On peut noter que la crédibilité des pairs a peu diminué durant la crise sanitaire : seuls 17,7% des Belges ont moins confiance aujourd’hui dans les informations que leur communiquent leurs proches et leurs semblables. Il est vrai que les confinements successifs ont conduit les citoyens à se tourner vers leur bulle ou des communautés d’idées pour échanger, s’informer, se rassurer et conserver un minimum de vie sociale.
Emmanuel Goedseels, Partner chez Whyte Corporate Affairs : « Toutes les études menées ces dernières années démontrent qu’au niveau politique, la proximité est un atout pour la crédibilité. Les élus locaux bénéficient d’une plus grande confiance que les députés, les ministres et les partis. Si l’on se penche d’un autre côté sur le débat scientifique, lui qui constituait une pratique bien connue du monde académique s’est tout à coup déroulé sur la place publique durant la crise sanitaire, avec des positions fortes, voire antagonistes. On comprend donc que la crédibilité des experts reste très forte et augmente même pour près de 25% des Belges, mais qu’elle ait en parallèle diminué aux yeux de quelque 20% des citoyens. Les débats sur l’approche scientifique des mesures de confinement et sur la vaccination ont vraisemblablement contribué à cette polarisation. »
Les médias traditionnels et la radio tirent tout de même leur épingle du jeu
Malgré la montée de voix critiques à laquelle les médias sont confrontés depuis quelques années à l’échelle belge et européenne, cette nouvelle étude révèle qu’une large majorité de Belges considèrent toujours aujourd’hui les médias traditionnels comme des sources crédibles d’information. La radio occupe la première place du classement médiatique traditionnel : c’est sur ce canal que le plus grand nombre de Belges (69,56%) estiment recevoir des informations (plutôt) dignes de confiance. Un score qui grimpe même à 74,2% en Flandre. La presse écrite réussit quant à elle à convaincre 6 Belges sur 10 (61,6%), à un niveau très proche de celui de la télévision (58,85%). Des chiffres à nouveau légèrement supérieurs en Flandre par rapport à Bruxelles et la Wallonie.
Ces résultats sont intéressants si on les compare aux faibles scores obtenus par les réseaux sociaux, qui tirent le classement médiatique général vers le bas. Les informations diffusées sur ces plateformes sociales – pourtant souvent décrites comme des canaux d’information crédibles entre pairs – ne paraissent crédibles qu’aux yeux d’à peine 1 Belge sur 5 (17,51%), à un niveau semblable à celui de la publicité (18,19%). Les Belges sont particulièrement sévères à l’encontre des informations qui circulent sur Twitter et Facebook : seuls 15,75% et 14,3% des Belges leur accordent (une relative) confiance. Ces chiffres très faibles tendraient à confirmer la défiance qui semble croitre à l’égard de ces deux plateformes, sur lesquelles le phénomène des fake news a eu dernièrement une grande emprise.
Selon Emmanuel Goedseels, Partner chez Whyte Corporate Affairs , « il est possible que l’actualité récente ait pesé dans la balance : tandis que la crise sanitaire a constitué une période propice à la diffusion de nouvelles délibérément fausses sur ces plateformes, les derniers mois ont été l’occasion pour les médias traditionnels de mobiliser beaucoup d’énergie pour informer les citoyens malgré l’incertitude et les risques sanitaires. Un contexte exceptionnel qui a pu permettre aux citoyens confinés en quête d’informations de percevoir la plus-value du travail journalistique. Les efforts des médias traditionnels se verraient ainsi en quelque sorte récompensés ».
Il est à noter que LinkedIn parvient à se défaire quelque peu de la défiance ambiante sur les réseaux sociaux. Les informations diffusées sur ce canal professionnel sont considérées crédibles par 37,74% de la population belge.
Quant aux médias alternatifs (tels que DaarDaar, Médor, Apache, Doorbraak, Kairos, Newsmonkey,…), ils obtiennent la confiance de près d’1 Belge sur 3 (29,46%).
A noter encore que les encyclopédies collaboratives telles que Wikipedia se positionnent en tête du classement médiatique général, alors que la fiabilité de leurs informations étaient autrefois largement décriées.
A propos de cette étude
Cette étude repose sur un sondage réalisé à la demande de Whyte Corporate Affairs par l’institut GfK auprès d’un échantillon représentatif de 1.020 Belges (572 néerlandophones et 448 francophones) âgés de 18 à 75 ans, répartis selon les quotas habituels de genre, âge, Région et classe sociale. Le sondage s’est déroulé en ligne, selon la méthode CAWI (Computer Aided Web Interviewing), entre le 19 et le 25 avril 2021. La marge d’erreur maximale est de +/- 3%.
Des tableaux illustratifs tirés de l’étude figurent en annexe.
[1] « Selon vous, quelle est de manière générale la crédibilité des sources d’information suivantes en Belgique ? Autrement dit, dans quelle mesure les acteurs suivants ont-ils tendance à dire la vérité ? »
[2] Etude réalisée à la demande de Whyte Corporate Affairs fin avril 2021 par l’institut GfK auprès d’un échantillon représentatif de 1.020 Belges (572 néerlandophones et 448 francophones). Marge d’erreur maximale de +/- 3 %. Voir également tableaux illustratifs en annexe.
[3] « La pandémie de Covid-19 a-t-elle influencé votre opinion sur la crédibilité des acteurs suivants ? Autrement dit, votre opinion a-t-elle changé ces derniers mois sur le fait que ces acteurs ont oui ou non tendance à dire la vérité lorsqu’ils s’expriment? »